On doit choisir pour critère le droit de dire la vérité, ce qui présuppose l'échange libre des opinions et le résultat imprévu du dialogue. Or, le possible qui tente les gens dans mon pays est chasse gardée, tout le monde vivant de mensoges et de fantômes. Un voyageur qui entreprend l'exploration de continents peu connus, diffère d'un enfant ? qui une m?re donne la permission de courir dans le jardin. Le philosophe que j'ai cité, comprend qu'il serait vain de vouloir tout exprimer dans les termes officiels, élaborés jusqu'à maintenant, mais il demeure dans un cercle vicieux, car il part du prémisse qu'une exploration libre ne ferait que compléter le dogme et ne l'abolirait jamais. Néanmoins, le "dégel" introduit de nouveaux éléments, en particulier une prise de conscience du vide.
Dans un récit de Andrzejewski "Le renard d'or", un petit garçon de cinq ans, Luc, couché dans son lit, voit la porte s'ouvrir et une créature étincelante entrer dans la chambre: un renard d'or. Le renard se cache dans l'armoire. Depuis, chaque soir, l'hôte étrange rend visite à Luc. Celui-ci tâche de communiquer la nouvelle merveilleuse aux autres, mais sans succès. Emilka, sa petite camarade de la maternelle, est une vraie fille de prolétaire. Luc lui raconte que la plus belle ville du monde s'appelle Colorado et se dresse sur une île admirable. Là-dessus, Emilka se fâche et crie: "Pas vrai! Moscou est la plus belle". Une tentative de l'initier au renard d'or finit par un scandale. Les parents de Luc s'inquiètent: il lui faut outre comme les autres, s'il veut s'épargner les souffrances d'un inadapté à la société nouvelle. Son frère a’îné, un écolier à cravate rouge, le raille. Enfin Luc renie son hôte, il proclame courageusement: "Il n'y a pas de renards d'or", et en récompense, on l'inivite à "jouer au Kolkose". Mais, en jetant un regard à travers la fenêtre, il voit le renard d'or qui disparait au coin de la rue.
Voilà donc un récit allégorique - ce qui est déjà inusité. La critique qu'il présente de la dépersonalisation ressemble à celle, de couleurs beaucoup plus sombres, qu'on trove chez Orwell. Elle fait naître une simple réflexion: le renard - le rève caché - est, d'ordinaire, le dernier recours des gens cernés, traqués, un programme minimum. Ce qui est socialement "inutile" mérite cependant mieux que d'être toléré comme une concession à la faiblesse de la nature humaine. Ajoutons que chaque oeuvre en Pologne est jugée d'après le critère de l'utilité et qu'on a reconnu, en commentant ce récit, la valeur du rêve, qui reste utile à la construction socialiste. Beaucoup de poêtes prennent la "défense du rêve" en dévoilant, sans le vouloir, le vide de leur pensée.
Car à quoi révent ces poêtes? Au rêve. Est-ce que le poisson fait le rêve de nager? Il nage.
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